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à l'aube d'une Eve nouvelle
27 février 2015

Barbie

Brenda évoluait dans un milieu professionnel exclusivement féminin.

Elle était agent administratif à la mairie.

Les collègues de Brenda rivalisaient de coquetterie pour se montrer à Monsieur le maire sous leur plus beau jour...

Elles ne loupaient jamais les soldes, suivaient toutes les tendances indiquées par les magazines féminins et étaient tout le temps au régime mais jamais le même... Elles avaient les mains manucurées, rectifiaient leur maquillage plusieurs fois dans la journée, vérifiaient leur brushing et faisaient attention à ne pas trop s'énerver pour ne pas brouiller leur teint de porcelaine.

Brenda était admirative de ses collègues : toute cette énergie mise en oeuvre pour être parfaite pendant les heures de bureau... C'était incroyable... D'autant que, pour la plupart d'entre elles, elles auraient eu tout intérêt à dépenser cette énergie pour faire leur job!

Mais c'était comme ça. Monsieur le maire voulait une jolie mairie, fleurie à souhait à l'extérieur et garnie de belles plantes à l'intérieur.

 

Brenda était comme fascinée par ces femmes qui incarnaient, selon elle, la féminité dans tout ce qu'elle a de plus esthétique et de plus complexe : un travail de tous les diables pour atteindre la perfection mais, qui ne doit se percevoir sous aucun prétexte.

Ah, si seulement elle pouvait devenir comme elles... Au moins un tout petit peu.

La semaine passée, Brenda avait enfin réussi à entrer en contact avec, selon elle, le plus beau spécimen : Beverly.Ça n'avait pas été chose facile.

Elles étaient tellement aux antipodes l'une de l'autre, que Beverly ne savait même pas d'où venait la petite voix qu'elle entendait lorsque Brenda tenta de l'aborder près des lavabos.

"-Salut...

-...

-Excuse-moi, je peux te déranger?

-..."

Brenda voyait bien que Beverly avait l'air intrigué par quelque chose. Elle tournait la tête à droite, puis à gauche, lentement, écarquillant bien les yeux. Elle cherchait d'où pouvaient bien venir les murmures qu'elle percevait depuis quelques minutes.

C'est alors qu'elle vit Brenda.

"-C'est à moi que tu parles?

-oui, lâcha timidement Brenda.

-Pardon?

-Oui, reprit Brenda avec un tout petit peu plus d'assurance dans la voix ( et que dans la voix, mais Beverly ne sachant pas lire le langage corporel, notre héroïne s'en trouva sauvée...).

-Tu peux répéter s'il-te-plaît parce que là, j'étais en pleine séance de yoga du visage et je t'ai pas écoutée."

Brenda était encore plus mal-à-l'aise maintenant que Beverly l'avait repérée...

Par où commencer?

Lui dire qu'elle la trouvait superbe?

Non, l'autre la prendrait, au mieux pour une lesbienne, au pire, pour une bourgeoise frustrée.

Lui dire qu'elle aimerait bien lui ressembler?

Là, le cliché de la ménagère de moins de cinquante ans éteinte par de longues années d'un mariage poussiéreux prendrait définitivement le dessus...

Lui demander de lui expliquer ce qu'étaient ces abominables grimaces que l'autre effectuait, inlassablement, tous les matins et tous les après-midis à 10h20 et 15h20 précisément?

Non, Beverly venait de le lui dire : du yoga du visage.

Là, elle passerait pour une demeurée ou une sourdingue. Étant donné qu'elle se sentait déjà handicapée la plupart du temps, confrontée à toutes ces "barbies-girls", ce n'était peut-être pas la peine d'en rajouter.

Là, vraiment, Brenda était mal partie et elle le savait.

C'est alors que, venu on ne sait d'où, ces mots sortirent de sa bouche : "Tu peux me prêter ton BIBA?"

Beverly eut, l'espace d'un instant, un étourdissement et elle se raccrocha tant bien que mal au lavabo qui lui faisait face. Même dans cette posture, elle était magnifique; après tout, tout vous réussi quand vous numéro une des "Barbies"!

"Tu veux que je te prête mon BIBA?" répéta Beverly incrédule, en détachant chaque syllabe pour être sûre qu'il n'y ait pas de méprise. Elle se retourna vers le miroir, s'y mira puis toisa à nouveau Brenda. Et là, elle ouvrit la bouche, laissa échapper un petit cri d'étonnement, dodelinant de la tête et écarquillant les yeux comme pour dire : "j'ycrois pas..."

Elle eut ensuite un petit rire nerveux. Tout petit mais qu'on sent plein de potentiel... Un rire retenu qui enfle et se fraie un chemin jusque vers l'extérieur.

Brenda ferma les yeux, tout juste si elle ne mit pas les mains sur la tête afin d'anticiper un éventuel coup... Elle s'attendait à recevoir le plus beau rire sarcastique enregistré dans les cabinets de toilette de ces dames de la mairie cette année (il y avait déjà de quoi faire un beau palmarès et on n'était qu'en février).

Mais non, ce rire était devenu beau, franc et cristallin.

Beverly riait à gorge déployée!

Ce fut donc au tour de Brenda d'avoir l'air étonné. Elle rouvrit un oeil, puis l'autre, et, ne sentant plus le danger imminent, détendit tout son buste. Elle vit Beverly qui reprenait son souffle mais ne se déparait pas de son sourire "ultra-bright" et qui lui tendait une main amicale :

"-Beverly De Corte (en plus elle avait un nom français! La garce!!!), du service communication, ravie de faire ta connaissance...

-Ah, Brenda, je m'appelle Brenda.

-Et bien, bonne journée Brenda."

Et Beverly sortit des lavabos, pouffant encore, dodelinant encore et toujours en songeant à ce qui venait de se passer.

 

 

A SUIVRE...

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Commentaires
C
T inquiète j suis déjà inscrite
C
Ville fleurie j adore ;-) tu pourrais développer le yoga du visage stp
à l'aube d'une Eve nouvelle
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