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à l'aube d'une Eve nouvelle
5 décembre 2014

La place du milieu

 

Attention, ce qui suit est une fiction, toute ressemblance avec des personnes ou des faits ayant existés est fortuite!!!

 

Née après un enfant très attendu, la probabilité qu'on fit grand cas de ma naissance était faible. Voire, très faible quand on sait que le messie était un enfant de sexe masculin qui assurerait, en des temps plus lointains, la "survivance du nom".

Cette histoire pourrait s'arrêter là en vous laissant deviner la suite de ma vie, petite fille qui n'avait de cesse de se rendre utile au monde afin que ses géniteurs lui accordent une quelconque attention et lui trouvent un quelconque attrait. Après tout, cette situation est tellement banale pour les gens de ma génération, je n'y vois là rien de palpitant!

Mais ç'aurait été trop simple, trop lisse,  trop insipide que ma vie se déroule simplement à l'ombre d'un Dieu vivant.

Non, pour que ça soit un peu drôle, les bonnes fées qui s'étaient penchées sur le berceau de l'élu, avaient rajouté un zeste de méchanceté, un soupçon de cruauté et un peu, un tout petit peu de perversion. Et moi, ingrate devant la générosité de la vie, je me suis mise à détester mon frère qui, non seulement monopolisait l'amour disponible à la maison, mais en profitait aussi pour me molester de toutes les façons possibles et inimaginables. Il y eut les corrections, la torture psychologique, la désinformation et, le meilleur pour la fin, le bourrage de crâne.

Autant vous dire que j'aurais pu facilement vivre en URSS sous Stalline, habituée dès mon plus jeune âge à subir une politique de la terreur au quotidien.

Mon frère était très fort, il savait où appuyer pour me faire mal, il savait faire mouche à tous les coups, pire que ça : il me rendait folle!!!

Après m'avoir fait croire pendant des années que j'avais été, non seulement adoptée, mais trouvée dans une poubelle par les parents, il continua longtemps d'utiliser le créneau de la non-ressemblance physique entre moi et le reste du monde : ma famille. Relayé et renforcé par les propos de ma mère qui ne me trouvait que de lointaines ressemblances avec des aïeux très lointains, toujours méchants, voire notoirement ou pathologiquement dérangés ou les deux à la fois!

Je crois que si je déteste mon corps depuis tout ce temps, c'est à cause de toutes les phrases assassines prononcées par ce duo mère-fils. On était bien loin de l'icône Marie-l'enfant Jésus...

Mais pour vous dire la vérité à propos de mon connard de frère, si je le déteste autant depuis toutes ces années, ce n'est pas à cause de tout ça : les mauvaises blagues, les insultes, les coups... Ma noblesse d'âme m'a permis de dépasser tous ces petits désagréments de l'enfance...

Non, si je le déteste autant, c'est à cause de son insupportable attitude de suffisance, de "monsieur-je-sais-tout" qui a un avis inébranlable sur à peu près tout; on peut même s'étonner qu'il n'ait pas terminé enseignant, il avait pourtant toute le panoplie pour réussir...

Et voilà qu'à cause de cela et de sa manière si affirmative de m'asséner "ses vérités", j'ai longtemps cru que les maisons possédaient deux arrivées d'eau distinctes : une pour la cuisine et approvisionner l'eau potable, une pour le reste de la maison avec de l'eau non-potable, de l'eau qu'il appelait "déminéralisée" en laissant entrevoir un vrai risque sanitaire en cas de consommation... Commencèrent alors pour moi, les années où je développai mon goût du risque.

Comme tous les enfants, j'avais toujours soif au moment de me coucher :

Cherchais-je à gagner du temps?

Cherchais-je à faire enrager ma mère qui craignait que je ne pisse au lit?

Avais-je réellement soif?

Je ne le sais pas.

Toujours est-il, que la salle de bains et son robinet d'eau "déminéralisée" se trouvaient près de ma chambre. Quel bonheur d'aller boire à la source interdite... Le bonheur de transgresser les règles, certes, mais il y avait là une autre vérité : le goût de l'eau de la salle de bains était différent du goût de l'eau de la cuisine. L'eau était meilleure, bien meilleure.

Ça se voyait bien que les minéraux c'est utile pour la santé. Pour rajouter un goût dégueulasse comme ça à l'eau qui sortait du robinet de la cuisine, c'est au moins qu'ils étaient de la famille des médicaments!

Bien sûr, il y avait les fois où mon frère me surprenait, me gratifiant d'un affectueux : "t'es folle ma vieille, tu vas avoir une chiasse carabinée!" Je m'imaginais alors une fin de vie, dans d'atroces souffrances, veillée par ma marâtre de mère rongée par les regrets et les remords à l'aube de ma mort...

Mais je continuais encore et toujours à boire au robinet de la salle de bains en cultivant mon goût pour une vie excitante... C'était ma roulette russe à moi.

Aujourd'hui, je sais comment fonctionne le circuit d'eau d'une maison.

Je sais que l'eau déminéralisée sert à faire le repassage.

Je sais tout ça.Et pourtant, quand j'ai soif le soir et que je me sers de mon verre à dents pour me désaltérer, je ne peux m'empêcher de trouver que l'eau qui jaillit de ma salle de bains a un goût différent, un goût meilleur, un goût plus équilibré.

Le goût de la liberté peut-être!

 

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