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à l'aube d'une Eve nouvelle
22 février 2015

"ça sent le vinaigre"... ou "comment tout a commencé à déraper"

Aujourd'hui c'est lundi, jour de relâche pour Brenda!

"Jour de relâche", il n'y a qu'elle pour appeler comme cela ce jour où les corvées s'enchaînent, s'enchaînent, s'enchaînent sans fin.

Mais au moins, elle n'allait pas au travail et c'était déjà ça.

A quoi employait-elle son temps libre?

Et bien elle disait qu'elle "remettait la maison en état" afin que tout le monde puisse passer une bonne semaine.

Remettre la maison en état : y aurait-il eu une catastrophe naturelle sur son habitation, l'obligeant à une telle entreprise? Non, c'est juste que le week-end, tout le monde, ou presque, se reposait et :

-laissait négligemment trainer son linge sale,

-ne s'essuyait pas les pieds en rentrant au milieu de la partie de ballon dans le jardin boueux ("attends mam's, je viens juste chercher mes gants de gardien de but!!!"),

-laissait sorti tout le matériel utilisé pour le bricolage du dimanche,

-laissait trôner sur les murs des escaliers des traces de doigts plein de sable coloré ("mais mam's, j'ai les mains sales, j'peux quand même pas me tenir à la rampe, ça va tout coller!").

Oui, tout le monde se reposait, se reposait sur Brenda.

 

Alors le lundi, tel un brave petit soldat, elle enfilait sa tenue de combat et s'équipait de son "kit du lundi" et elle arpentait la maison de haut en bas, d'un bout à l'autre, exécutant une série de manoeuvres, toujours les mêmes, toujours dans le même ordre pour se retrouver au bout de 3 heures, épuisée, mais satisfaite du travail accompli. Elle se réfugiait alors dans un tout petit coin de l'entrée, sur un tapis, encerclée par le "mouillé". Et elle attendait là, docilement, que le carrelage sèche . Elle regardait par la fenêtre et observait le ballet des oiseaux autour de la mangeoire, dans le jardin.

 

Mais depuis quelques temps, elle ne sentait plus si guillerette les lundis.

Comme si elle se sentait lasse et fatiguée, un peu comme un vendredi en somme.

Une espèce de noirceur l'envahissait, elle avait du gris tout autour d'elle et du gris encore plus foncé à l'intérieur. Elle ressentait sa cage thoracique comme dilatée par un air teinté de ce gris sombre et terne à la fois.

La dépression la guettait-elle?

"Ah ça non! La dépression c'est dans la tête! C'est pour les fainéants et les mous!" se répétait-elle, comme un mantra.

Et, à force de rabâcher toujours ce même credo, son dynamisme légendaire prenait le dessus et la machine se mettait en route.

Du moins, c'est ce qu'elle croyait.

Elle ne se rendait pas vraiment compte qu'elle s'y mettait de plus en plus mollement, qu'elle n'allait plus au fond des choses, récurant certaines pièces une semaine sur deux seulement, une semaine sur trois...

Elle ne renouvelait même plus le stock de son "kit du lundi". Elle qui, avant, était si fière d'être si bien organisée : un petit bac avec un compartiment pour ses produits, un compartiment pour ses micro-fibres, un pour ses gants et un pour ses petites brosses pour déloger les tâches rebelles...

Rien à y faire, la motivation n'était plus la même.

 

Et c'est ainsi que, sans prévenir, un lundi, elle décida de faire du shopping plutôt que de "remettre la maison en état".

Ne vous imaginez pas qu'elle est allée s'acheter de la lingerie fine ou des chaussures, Brenda n'en était pas là.

Ne vous imaginez pas non plus que Brenda est sortie de chez elle sans culpabiliser, vous lui en demandez trop!

Mais Brenda est allée chez le libraire, acheter un livre qu'elle désirait depuis longtemps et puis après, elle est allée dans ce tout petit salon de thé où elle avait l'habitude de prendre rapidement un café le samedi matin pour se récompenser d'être allée au marché faire sa corvée de courses.

Mais là, elle prit son temps.

Déjà, elle choisit la table : pas trop près de la porte pour éviter les courants d'air, pas trop dans le passage pour ne pas être dérangée par les va-et-vients mais pas trop cachée non plus, elle aimait bien observer les autres clients.

Ensuite, elle prit le temps de s'installer confortablement sur sa chaise, et quand Rebecca, la propriétaire de ce joli petit endroit, se présenta à elle entonnant un très sonore "bonjour", elle fut en mesure de lui adresser un beau, un très beau sourire.

"-Ah, ça fait plaisir, enfin quelqu'un qui est en pleine forme le lundi!!!

-Vous trouvez que j'ai l'air en pleine forme?

-Ah oui, oui-oui, vous avez l'air en pleine forme aujourd'hui.

-Pourtant je ne suis pas très à l'aise...

-Pourquoi donc?

-Je ne sais pas, être là en semaine avec un bouquin au lieu de faire MON repassage, je me sens un peu coupable... Dit Brenda en bafouillant.

-Ben, vous ne devriez pas, si je puis me permettre. Vous avez bien raison et même, ça vous réussi,vous avez drôlement bonne mine!

-Merci Rebecca, vous êtes gentille."

Brenda était ravie mais plus que surprise d'être en train de se confier à cette jeune femme dont elle ne connaissait que le prénom.

"-Et puis, j'vais vous dire, vous devriez même fêter votre grève du repassage, un café viennois avec plein de chantilly, ça vous ferait plaisir?"

Brenda se mordit la lèvre inférieure avant de lâcher un :

"-Allez, c'est parti!"

Tandis que Rebecca tournait les talons pour aller préparer la commande de Brenda, cette dernière poussa un soupir d'aise tout en souriant et en regardant autour d'elle d'un air satisfait. On pouvait voir toutes ses dents, ses pommettes bien rondes et même ses sourcils s'arrondissaient!

Le bonheur!

Elle prit le paquet de la librairie qu'elle déballa méticuleusement. Elle prit le temps de regarder attentivement la première de couverture puis, d'un geste décidé, ouvrit le livre.

Elle était en train de se délecter de la première phrase quand Rebecca lui apporta une tasse fumante, recouverte d'une avalanche de chantilly...

Et là, elle prit pleinement conscience de son bien-être; elle ne voyait plus cette noirceur autour d'elle ou en elle.

Elle voyait du turquoise et du parme, du orange et du rouge, du vert et du bleu. Comme des confettis qui voletaient dans son corps et tout autour d'elle. Un véritable tourbillon de lumière.

Elle passa alors une heure exquise à lire un paragraphe, s'en imprégner, siroter son café et se replonger dans sa lecture si riche.

Elle ne prit même pas la peine de regarder autour d'elle le ballet des clients : les habitués qui buvaient leur café dans l'arrière-salle près du comptoir de Rebecca, les nouveaux qui regardaient la déco de la salle l'air étonné, ceux qui étudiaient très sérieusement la carte, comme si Rebecca allait les interroger au moment de prendre leur commande.

Non, tout ce petit manège la laissa indifférente, elle était ailleurs.

Elle était en tête-à-tête avec elle même et elle était bien, pas embarrassée de cette intimité.

Pour une fois, elle avait l'impression d'être au bon endroit, au bon moment.

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C
Un grand coup de balai pour chasser le gris et si tu veux je te prête mon dyson !
à l'aube d'une Eve nouvelle
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